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Élections européennes : quel est le bilan de Jordan Bardella, tête de liste RN, en tant qu'eurodéputé ?

Publié le 9 mars 2024 à 18h44, mis à jour le 11 mars 2024 à 7h46

Source : TF1 Info

Jordan Bardella est pointé du doigt par ses opposants pour son manque d'implication en tant qu'eurodéputé sortant.
Sa consœur LFI Manon Aubry n'hésite pas à le qualifier de "député fantôme".
S'il est globalement très présent lors des séances plénières, son implication dans le processus législatif européen se révèle pour le moins discrète.

En 2019, Jordan Bardella devenait pour la première fois eurodéputé. Un mandat qu'il souhaite aujourd'hui prolonger puisque le président du RN conduit à nouveau la liste de son parti pour les prochaines élections européennes. On constate toutefois une différence notable avec la précédente campagne : l'élu de 28 ans, membre du groupe "Identité et démocratie" affiche cette fois un bilan, après cinq années passées entre Paris, Bruxelles et Strasbourg. 

C'est justement son activité de parlementaire que dénonce aujourd'hui sa consœur et opposante LFI, Manon Aubry. Jordan Bardella, assure-t-elle, est un "député fantôme". Elle met notamment en avant le nombre d'amendements déposés depuis 2019 : 21 pour le représentant du RN, contre plus de 3.000 de son côté. Des critiques dans ce sens ont également été émises par la majorité présidentielle. 

Des eurodéputés aux activités très variées

Avant de se pencher sur l'activité spécifique de Jordan Bardella, il faut rappeler que le calendrier des députés européens s'articule autour de plusieurs activités distinctes. En marge des assemblées plénières où sont adoptés ou rejetés les textes, on retrouve les travaux en commission, qui occupent une bonne partie du temps des élus. Ces derniers peuvent en effet intégrer plusieurs commissions et se voir investis de responsabilités spécifiques lorsqu'ils en assurent la présidence ou la coprésidence.

Dans l'emploi du temps des eurodéputés, on retrouve aussi un temps dédié aux réunions de groupes politiques. Des moments privilégiés qui sont mis à profit pour définir des positions communes, porter des contre-propositions, et plus globalement pour définir la ligne politique à suivre pour les membres. Enfin, des périodes sont instaurées hors de Bruxelles, Strasbourg ou Luxembourg. Elles peuvent servir à retourner dans son pays d'origine afin d'échanger avec les membres de son parti, à répondre aux sollicitations médiatiques nationales, ou bien encore à voyager dans des États tiers pour les membres de certaines délégations. 

Mesurer l'activité d'un parlementaire nécessite donc de s'intéresser à toutes les composantes de la vie d'un eurodéputé. Les chiffres d'amendements déposés mis en avant par Manon Aubry, s'ils sont fiables, ne constituent pas des indicateurs très pertinents à eux seuls : en effet, il est assez facile de multiplier les amendements, sans que cela n'ait de véritable impact sur le plan législatif. En outre, il n'est pas possible de quantifier le nombre de ces amendements qui auraient été adoptés in fine.

Pour vanter l'engagement de Jordan Bardella, ses soutiens mettent en avant un nombre de questions écrites, d'explications de votes et d'interventions en plénières plus important que la moyenne. Si ces chiffres sont justes, ils ne font pas de l'élu RN un député européen des plus assidus : expliquer les motifs d'un vote ou prendre la parole en plénière sont des actes qui interviennent à l'issue du processus législatif, sans impact majeur sur celui-ci.

De même, mettre en avant un taux de présence de presque 94% au Parlement européen (comme le fait Jordan Bardella) n'est pas suffisant pour prouver son assiduité. Ce chiffre ne traduit en effet que la présence lors des sessions plénières, qui ne constituent – on l'a souligné plus haut – qu'une partie du travail des eurodéputés. Et environ un tiers de leur temps sur la période janvier-avril. Surtout, cela contribue à passer sous silence un aspect essentiel de l'activité des eurodéputés : le travail en commission. Un point sur lequel Jordan Bardella est loin d'être un exemple.

Jordan Bardella se montre très peu investi en commission

Les spécialistes du Parlement européen expliquent que la présence et l'implication en commission constituent des indicateurs importants lorsqu'on veut évaluer le travail des eurodéputés. Lorsque l'on se penche sur le profil de Jordan Bardella, on observe qu'il n'est membre que d'une seule commission, celle dite "PETI", dont le rôle est jugé secondaire, voire négligeable. Elle se charge en effet d'étudier des pétitions et d'en mettre certaines au vote en plénière, afin de statuer sur leur potentielle transmission à la Commission européenne.  Dans les procès-verbaux rédigés à l'issue des réunions, on note par ailleurs qu'il est très rare d'y retrouver le nom du président du RN. 

L'élu ne se distingue pas davantage en matière de contribution à des rapports parlementaires. Il a été rapporteur fictif (c'est-à-dire au nom de son groupe), mais à une seule reprise en l'espace de cinq ans. C'est très peu, surtout si l'on s'intéresse au profil d'autres eurodéputés français. David Cormand (EELV) se trouve membre de quatre commissions et rapporteur principal de quatre rapports. Geoffroy Didier, côté LR, est membre de deux commissions et a été rapporteur principal d'un rapport (mais fictif pour quatre autres).

En résumé, on constate que Jordan Bardella se montre pour le moins discret dans le travail de construction législative du Parlement européen. L'essentiel de son activité se concentre autour des plénières, que ce soit par des votes ou des prises de parole.

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Thomas DESZPOT

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